26 septembre 2012

Bleu, Valentine.


Pour les Impromptus de la semaine. Le thème, un portillon bleu et la liberté...

Il était une fois, au fond d'un jardin clos, un portillon de bois qui s’apprêtait à être repeint.
___Pa où tu vas comme ça, si tôt, avec ce petit pot de peinture bleue ?
___Je vais repeindre la petite barrière, ma Valentine, tu sais le portillon du fond du jardin…
___Ah oui, celui que vous disez... 
___Vous dites!
___ ... avoir ramené du Chili! Tu le peins encore ? Mais, tu l’as déjà bleui cette année celui que je n’ai pas le droit de franchir !
___ Deux fois l’an, Ma douce, deux fois l’an comme depuis… longtemps.
___ Et pourquoi je n’ai pas le droit ?
___ Ma belle, je te l’ai expliqué cent fois, je vais le faire une cent unième. Pour l’instant, le jardin est assez grand, même pour une petite fille, mais tu n’as pas encore assez de forces en toi pour que je te laisse t’en aller le voir, le monde. Le monde, vois-tu, il faut être un peu armé pour s’y coltiner, disons qu’ici, dans le clos de cette maison et de son jardin, en attendant, tu façonnes tes armes, tu apprends leur maniement, tu te fabriques une armure et je te la voudrais la plus solide possible. Mais tu l’auras, un jour, l’autorisation de le franchir, tu le passeras un jour, ce portillon bleu que je vais repeindre comme chaque année. Seulement, le temps n’est pas venu. il est encore beaucoup trop tôt pour toi.
___ Et je le saurais quand que je pourrais?
___Quand le moment sera venu, nous le saurons tous. Et toi ET nous, ce jour là, la question ne se posera même plus. Je crois même qu’il s’ouvrira tout seul à ton approche!
___ Mais si jamais je le passais quand même pendant que vous n’êtes pas là avec M’an, qu’est ce que vous feriez?
Après un long silence, l’homme  n’a pu lui répondre que :
___ D’abord, j’éprouverais, nous éprouverions tous beaucoup d’inquiétude parce que nous aurions très peur qu’il t’arrive quelque chose d’irréparable, que la violence du monde te saute à la figure et te marque à jamais, qu’elle te cause un mal irréparable dont tu souffrirais toute ta vie… Ensuite, nous serions profondément déçus de n’avoir pas été capables de bien te faire comprendre pourquoi il te fallait attendre que le moment soit venu. Si nous n’avions pas réussi à nous faire entendre, nous n’aurions pas été à la hauteur de notre tâche, nous n’aurions pas fait ce que nous avions à faire, la seule chose du reste que nous te devons, vraiment : La protection. Nous n’aurions pas su te protéger.  De toi-même. Oui, oui nous serions très peinés. Ce serait terrible !
___ Mais dis, Pa chéri, le monde n’est pas seulement cette horreur dont tu parles ? Parce que si c’est ça, je reste là, moi !
___ Non, non, rassure-toi, douce Valentine, il est d’une beauté magnifique mais il y a des dangers, il vaut mieux être prévenu…
___ Il est important pour vous, ce portillon. 
___ Et pour toi aussi, Ma belle impatiente. Comme d’autres l’ont fait  avant nous… Et puis aussi, peut-être pour qu’il serve, un beau jour à ceux dont tu finiras bien par avoir la charge, qui sait ? Le jour où tu pourras aller voir de l’autre côté. Et ce jour là, il faut qu’il soit flamboyant !
Après un moment :
___ Mais tu sais que, déjà maintenant, j’ai très envie de l’ouvrir?
___ Je sais Valentine, je sais bien… Le temps viendra, t'inquiète...
 ___Tu me donnes un pinceau ? Je peux t’aider? Je veux peindre, moi aussi.
___ Tu vois, ça commence déjà...

C’est ainsi que dans le jour débutant, le monde qui passait sur la grand route a pu voir,  près du mur Nord Ouest d’un vaste jardin, un père et sa fille, chacun d’un côté, l’homme à l’extérieur, les genoux perdus dans le vert de l’herbe humide et grasse, heureux, bien qu’un peu gênés par l’ombre grandissante des arbres morts, couvrir d’une couche  bleue le bois moulu d’un vieux portillon… Soit disant du Chili...


Merci à Miss M à qui je dois la dernière phrase...

12 commentaires:

Tilia a dit…

Un bleu flamboyant, j'adore ! ça change des bleus à l'âme :)

véronique a dit…

cette petite Valentine là a bien de la chance d'avoir un papa comme celui là.. pas de soucis, elle ouvrira le portillon quand elle sera prête, armée pour la vie..

ah ! quel métier difficile que celui de parents Chriscot !

et puis le bleu ... le bleu !

chri a dit…

@ Véronique: Chri, Véronique Chriscot s'est dissous! Et dissous c'est pas cher!

Peut-être aussi que c'est le papa de Valentine qui a de la chance de l'avoir croisée!

@ Tilia Oui, ça change un peu!

M a dit…

Là, vous me faisez... pardon ! faites un peu trop d'honneur, c'est moi qui vous dois. L'avantage, c'est qu'on voit la différence de bleu !
Mon âme vagabonde (et en pleine forme) y croit à fond à ce conte resplendissant !

chri a dit…

@ M Ha ben la dernière phrase est presque toute à vous!
PS: Ici, on peut changer, gratter, enlever, ajouter, virer! Ici ce n'est jamais comme là-bas!

Laurence a dit…

Ton conte est universel et tous les parents et les enfants du monde entier ont les mêmes conversations, non ? Et de la même manière, le temps de laisser ouverte la porte est différent pour chacun de nous.

En tout cas, c'est si joliment raconté ... Pour un instant, tu as refermé le portail devant moi et je me suis sentie très bien dans ton jardin :)

chri a dit…

@ Laurence Merci du joli compliment Surtout venant de toi!

véronique a dit…

ah ... j'aimais bien Chriscot moi !

chri a dit…

@ Véronique Trop long, trop biscotte! Chri ça s'entend mieux!

odile b. a dit…

La version courte, sur les Impromptus, a ma préférence.
Avec Miss M., vous faites la paire !
Le "Bleu pastel de Lectoure", of course, est tout indiqué pour cette porte : le plus naturellement beau, le plus subtil, le mieux adapté, aussi bien pour la porte que pour la charrette (= "bleu charrette"), aussi bien pour le jean's, la jupe, la tunique, le foulard que pour l'encre. Une valeur sûre pour l'horizon de Valentine...

Depuis longtemps, je chéris le projet d'aller explorer ce pays de cocagne !

http://www.bleu-de-lectoure.com/site/index.php?option=com_content&task=view&id=13&Itemid=

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pastel_des_teinturiers

http://blog.espritcabane.com/ecologie-au-quotidien/le-bleu-de-pastel/

http://gourmandisesansfrontieres.fr/2012/04/du-bleu-dans-la-ville-rose-sur-la-route-du-pastel-en-midi-pyrenees/

(Video - Des Racines et des Ailes)

odile b. a dit…

PS
J'avais oublié que "Chriscot" ça faisait trop "biscotte" (!...) pourtant, moi je trouvais que ça sonnait bien... Mais, si vous pensez que ça vaut pas l'sou et que ça s'entend mieux ainsi, alors, je vous souhaite très fort un bon week-end, Chri !
:-)

chri a dit…

@ Odile Mille mercis pour tous ces liens colorés! Le bleu de Lectoure quel bonheur!
Merci pour vos voeux....

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