20 septembre 2010

Bémol rouge…

Pour les Impromptus littéraires de la semaine... Le thème, insérer dans le texte: Il n'y a pas de bémol avec une jupe rouge."

"Ce type est complètement dingue!"
Ce sont les premiers mots qu’elle a balancé en même temps que ses clés dans le bol tibétain de chez Natures et Découvertes posé sur les étagères de l’entrée. Juste avant, elle avait ouvert la porte d’entrée, sans doute, avec un de ces béliers dont on se sert pour défoncer les vitrines des agences bancaires ou des bijouteries des quartiers chics. Je la connaissais un petit peu, je savais, à son arrivée tonitruante que j’en avais, pour ce soir, fini avec ma tranquillité.
J’ai gentiment attendu qu’elle balance ses chaussures sur le parquet, son sac grand comme un vache entière acheté à Milan le mois dernier n'a pas tardé à  prendre le même vol. Ensuite, délestée,  elle a filé droit au frigo de la cuisine, elle s'est servie  un vase d’eau gazeuse, qu’elle a vidé d'un trait. Là, je lui ai demandé, le plus calmement du monde :
"Bonsoir toi, de quel type parles-tu si posément, mon namour?"
Ma sérénité apparente lui a fait l’effet d’un coup de mistral sur un feu de pinède. Elle est remonté dans le rouge avec une légère variante :
"Il est complètement cintré ce gus!"
Heureusement, je savais qu’elle ne parlait pas de moi…
Bien sur, elle s’est foutu plein d’eau sur le chemisier. Boire et éructer, il faut choisir. Vous pensez bien que je n’ai rien dit. Je me suis tu. Dans les grandes longueurs.
"Ah Le con, mais l'infâme con!"
Ça ne s’adressait encore pas à moi, elle en avait toujours après ce type, là. Mais qu’avait-il pu bien lui faire ?
J’ai tenté de me servir de mes talents de dresseur de panthère, j'ai essayé de me rappeler du fameux  théorème de  Bouglione, j'ai risqué en tapotant de la main sur le dossier du canapé :  "Viens me voir, là, allez, viens me raconter ce qui t’a mis dans cette si haute colère."
Elle m’a fait son regard tazer de police municipale et après un très long silence m’a envoyé dans les gencives :
"C’que tu m’énerves à être calme quand je suis hors de moi. On dirait que tu le fais exprès... pour m’agacer davantage!"
Veinard que j’étais, je devenais témoin de l’invention de la mauvaise foi !
"Tu sais bien que non, allez viens me raconter. Ça ne peut te faire que du bien. Qu’on passe à autre chose, pour ce soir..."
"Pas la peine de faire ta voix de Robert, suis pas un  fichu canasson! Vous me hérissez le poil, les garçons ! D’abord cet immonde crétin, là, puis toi, vous vous êtes donnés le mot , ce soir ou quoi?"
"Ne me mêle pas à ça, j’ai dit, je n’y suis pour rien dans tes affaires avec l’autre et puis c’est quoi cette histoire ? Qui t’a dit quoi? Est-ce que je pourrais, au moins, savoir de quoi il retourne, pourquoi on se querelle ?"
En tremblant de rage, elle m’a dit : "Tu sais bien, le tordu du quatrième, ce rat des cages d'escaliers, ce bessoniste rampant à cheveux gras? Hé bien, je l’ai croisé sur le palier du premier à ma hauteur, en me regardant en coin, il a persiflé comme un serpent à sonnettes : il n’y a pas de bémol avec une jupe rouge… Il se mêle de quoi ce taré ? Tu veux me dire ? Est-ce que je m’occupe de ce qu’il porte, lui ? Un de ces quatre, je vais me le gifler celui là… Et puis ma jupe, elle n’est pas rouge, d'abord, elle est orangé, juste orangé… Et toi, ne t'avise surtout pas de le défendre ce tordu!"
Tout en continuant à rouspéter, elle a disparu dans la salle de bains et s’est fait couler un bain… Je l’entendais qui continuait à pester… Puis d’un coup, plus fortement elle s’est adressée à moi : Tu as préparé quoi à manger pour ce soir ? J’espère que tu as fait du poisson parce que je n’ai pas envie d’autre chose ! Ah! Évidemment, tu n'es pas allé à la blanchisserie, je t’en avais pourtant parlé ce matin et les places pour le théâtre tu ne les as prises, tu n'as pas eu le temps et la….
Je me suis gentiment laissé bercer par la petite musique tonique de sa voix saccadée qui n’en finissait plus de râler…
J’ai reposé ma tasse sur le verre de la table basse, je me suis enfoncé dans le moelleux du canapé et pendant que la baignoire se remplissait, j'ai appuyé sur la télécommande, le brillant violon de Gilles Apap s'est mis à jouer un brin plus fort... alors, j'ai pensé:

Dire que certains soirs, en rentrant, je trouve la maison si vide qu'il m'arrive de caresser le désir de... ne plus vivre seul…

Arbre  ciel menaçant 1

9 commentaires:

nathalie in avignon a dit…

Heu ben moi dans l'histoire je suis la fille, alors forcément je fais mon auto-critique : ça m'arrive vraiment d'etre comme ça? Non non non bien sûr que non... encore que y'a pas si longtemps... quand numéricagouille m'a lâchée pendant 4 jours... j'ai quand même découvert que j'avais l'éructance facile et les nerfs à fleur d'épiderme.

Alors garde bien ta télécommande, c'est tellement bien quand personne ne vous la dispute ni ne vous la cache sous les coussins du canapé !!! :-)

chri a dit…

@Nathalie: Heu La mienne est quand même ce qu'on appelle une emmerdeuse!

véronique a dit…

oui, mais un ptit regard tout gentil et tout sera oublié ... çà peut marcher ! si, si

chri a dit…

@Véronique: Vous avez peut-être raison, mais il n'est pas encore prêt à tenter le diable!

véronique a dit…

je pensais à un sourire venant d'elle ... vous voyez le truc !

Anonyme a dit…

c'était pas évident à caser, surtout que les goûts et les couleurs ... à un 1/2 ton près ... et c'est une solitude en plus.
Très réussi donc, et ma préférence pour le nouveau titre.

Slev

chri a dit…

@Véronique: Un de ces sourires qui en disent long, un de ceux qui indiquent clairement la suite probable de la demi-heure qui s'amène? Ah là, si c'est ça c'est imparable!
@Slev Si difficile à caser qu'autant parler de soi! Merci, je l'aime bien aussi la teigne!

micheline a dit…

quel talent de dire le vrai de soi sur simple injoction d'une phrase si lointaine

chri a dit…

à Micheline: Merci à vous!

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