10 décembre 2010

Mountain View.

Vers hier, je venais rôder un peu sur le blog pour voir si tout était bien bordé… Il me semble que quand on en tient un régulièrement on y vient souvent jeter un œil bienveillant sur la boutique, redresser un élément que le vent aura dérangé, aplanir un tissu qu’on aura plissé, changer une ampoule qui ce sera brisée,  enfin moi c’est comme ça que je fais… On rectifie, corrige, réécrit une phrase ou deux, voire plus parce qu’en la relisant à haute voix on la trouve mal fichue, boiteuse avec des fausses notes, on vient lire les commentaires en bas de notes, on se réjouit quand on en trouve un de plus que la veille, bref on fait le tour du propriétaire.
Parfois, on s’étonne vaguement chagriné du peu de commentaires sur une note qu’on pensait émouvante, pas trop mal tournée, pas si mal écrite, enfin, dont on était un peu content puisqu’on l’avait publiée… Enfin, on l’aimait bien cette histoire de Noël où les handicapés viendraient au secours de la bonne santé pour l’aider à gagner ses matches… On la voyait un peu comme un hymne à l'amour universel et grandiloquent, une ode à l'entente généreuse, générale et définitive quelles que soient les différences et les parcours de vie... Alors, on la relit et relit encore pour essayer de trouver mieux, de voir ou ça a pu pêcher, qu’est-ce qui fait qu’il n’y a que QUATRE commentaires… Quatre, sur les six milliards de lecteurs potentiels et puis, ce simple rapport calme un peu l’ego… On  lui cherche des excuses, cette histoire avait un fond de gentillesse, de bienveillance et de douceur joyeuse, de naïveté,  c’est peut-être pour ça qu’elle n’a pas tant plu.  Mais c’est sans doute dans la logique des choses: Comme le monde entier était devenu une cour de collège assoiffée de violence et de sang, que deux s’y échangent un baiser: ils n’intéressent personne alors qu’un coup de poing vole et c’est l’émeute. L’odeur du sang, de la sueur et des larmes affole, rend dingo et excite les curiosités. Qu’y peut-on? Désormais, il va falloir dire du mal et distribuer des gifles à tout va. Il va falloir faire couler le mercurochrome à flots de phrases et les baffes à pelletées de paragraphe, il va falloir dézinguer, médire, être mauvais, méchant et teigneux. Comme chantait l’autre: “Il faut qu’ça saigne!” Il faut  du drame et de la baston, de l'engueulade et de la polémique, Victor!
Alors, ça va saigner. Tant pis, on le fera puisqu’il le faut et haro sur les bleus! On sait bien que quand on cogne c’est d’abord sur soi qu’on frappe…
Et puis, on finit par se dire que deux fois, deux humains sur six milliards ont pris vingt secondes de leur vie pour écrire un truc sur un truc que tu as mis trois jours à pondre… Mieux qu’un doliprane mille! Finalement ce n’est pas si mal, se persuade-ton, même si, bien entendu, on aurait aimé qu’elle soit davantage appréciée, et qu’un flot de commentaires accueillant l’inonde, l’enveloppe, la berce. On la remontrera un autre jour, une autre fois à l’occasion.  “Ils sont peut-être passés à côté mais sans le vouloir, ils ont leur vie aux aussi” se dit-on… Bref, on se remonte le petit moral un peu comme on peut.
Et puis, un de ces soirs dont on n’attend rien de précis, un soir ordinaire, un soir d’habitude, on ouvre son ordinateur et on s’en vient faire un tour de la boutique. Là, on voit qu’on n’est pas seul sur le coup, qu’il y a en ce moment même un lecteur sur le blog. Alors on regarde sur la petite mappemonde de l’application où il traîne et d’où il vient…
Et là, là, mes enfants, c’est Broadlywood!
Sur cette planète dans cet univers, déjà, il y a une autre personne que soi chez soi… En plus, il n’est pas d'à côté. Il est même assez loin, d’un coin où on n’est jamais allé, ce n’est donc pas une connaissance… Il n'est pas non plus de la famille... Oh La La regarde, Il vient de l’autre côté de l’Océan Atlantique et même de l'autre bout du continent américain.  Tout à l'Ouest de l'ouest! La fièvre te chauffe. Comme il y a douze heures de décalage horaire entre ici et là-bas, quasiment une demi-journée: Toi, tu te lèves alors que lui te lit. Un vertige te prend.
Les bras t’en tombent, le cœur t’en serre, les larmes t’en viennent! L’autre, le lecteur à toi que tu as, celui qui te lit de loin est, à cette précise seconde, installé devant  l'écran de son apple, à Mountain View, Californie…
“Et toi, te rends-tu compte, cher lecteur, de ton privilège? As-tu bien conscience que tu es en train de lire une note qui va, sans doute, dans un jour ou deux, être lue  au cœur de Mountain View, située dans le comté de Santa Clara, au sud de la baie de San Francisco, Californie, United States of America, earth, voie lactée, univers...”

Voilà ce qu’on finit par se dire... tellement on est, d'orgueil, farci…
Le dernier point que j'ai vu sur la carte, il était à Tokio. Japon. Banania.



Ciel d'octobre 3 

20 commentaires:

Brigetoun a dit…

ce sont toujours les billets dont ne suis pas trop mécontente qui ont l moins de commentaires - le sais, en prend mon parti. Et puis, les beaux blogs littéraires que je suis sont généralement sans commentaire, mais par contre cités sur twitter ou facebook.
D'ailleurs quelque chose de bien fini, plein, est difficilement commentable (quelque chose de loupé aussi)

Michel Benoit a dit…

Ciel !

Tilia a dit…

J'ai failli laisser un second commentaire sur le billet précédent, mais comme c'était à propos d'un film que j'ai adoré auquel l'histoire des tifosi m'a fait penser et que je voulais mettre un lien vers la vidéo d'un extrait de ce film et que celles que j'ai trouvées étaient nulles ou tout en VO (c'est un film américain) ce qui fait qu'on aurait rien compris (enfin les briton-malcomprenants tels que moi) je me suis abstenue (oui je sais, je ne suis pas Proust, mais moi aussi je peux faire des phrases d'une page si je veux !).

Voilà, ça fait un commentaire.

Lautreje a dit…

mon commentaire compte dans les stats même si je ne suis pas à 12 heures de décalage horaire ?!! ;-) (rire)
Heureusement que l'on soit d'ici ou de là-bas, l'émotion reste l'émotion, n'est-ce pas ?!

Anonyme a dit…

Mais vous en avez toujours plein des commentaires ! Et pis sérieux, c'est quoi un blog à part une bouteille à la mer ? Peu importe sur quelles rives il échoue...
Ceci dit, je veux pas faire ma maligne, mais des américains, sur mon blog, y'en a plein. Ils viennent toujours y chercher la même chose, des traductions de Vian. Ce que j'écris moi, ils s'en foutent.
marie.

Anonyme a dit…

Ha et puis j'oubliais, histoire de vous lustrer l'ego... sur le coin français, y'a peu de lecteurs français, finalement, mais nombre d'americains francophones, voire philes, qui vous trouvent so great !

chri a dit…

A tous: Merci, mais vous savez bien que tout ça c'est simplement pour dire!
Oui, oui, Lautreje "ça" compte!

chri a dit…

@Marie: Je compatis et en solidarité, la prochaine fois qu'un amerloque se pointe ici, je le vire!

Tilia a dit…

J'ai volontairement oublié de donner le titre du film dont je parle dans mon commentaire précédent. Comme vous ne l'avez pas fait remarquer, ni demandé, je pense que ça ne doit guère vous intéresser. Et pourtant ! c'est l'histoire d'un petit groupe de doux dingues qui quittent la clinique accompagné de leur psychiatre pour aller assister à un match...

(j'adore votre commentaire sur la neige en Île de France !)

chri a dit…

@Tilia Voilà vous êtes parfaitement dans le ton! Saignante et dure! Bravo!
:-))

"Une journée de fous."
Réalisé par Howard Zieff
Avec Peter Boyle, Christopher Lloyd, Lorraine Bracco.
Titre original : The Dream Team. 89

Tilia a dit…

YES !!!

Vous l'avez-vu ?...
moi j'ai adoré,
je suis fan de Michael Keaton !

chri a dit…

@Tilia Non, non pas vu!

nathalie in avignon a dit…

Euh, je peux faire ma rabat-joie ? La côte est des USA c'est pas la californie.

nathalie in avignon a dit…

PS - je ne sais pas ce que tu utilises comme espion mais moi je ne vais jamais voir qui est là en même temps que moi. C'est marrant, je n'y ai jamais pensé.

nathalie in avignon a dit…

Je vois que tu continues ton intéressante exploration des relations entre un blog, son auteur et son public.

chri a dit…

@Nathalie Mais bon sang mais c'est bien sur! Je corrige!
Je ne sais pas ce que c'est que l'espion là mais il me dit d'où sont les gens qui lisent le blog à l'instant où ils le lisent!

chri a dit…

@Nathalie C'est ce truc, là:
http://www.livecount.fr/stats/detail/pyhk5t6u

Anonyme a dit…

C'est fou dingue ce type de l'antipode, il se trouve que j'ai vécu à Santa Clara !! Si si, du temps d'avant le wouèbe. Hey, Kenny, it's me, remember, Buchser High School, in the mid seventies... how do like Chris short stories ? Great, isn't it !
Say hi to Patty and Ken.
Ca alors ! Tu crois que ça va marcher ?

Slev

chri a dit…

@Slev Et si ça... un jour? J'en profite pour embrasser vous.

chri a dit…

Mountain view... Là où se trouve Google... Même pas un lecteur Mr Google!

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