13 décembre 2010

A la Saint Christophe.

Alors qu’autour de nous,  le jour se couchait dans des explosions de rouges, c’est quand je me suis réveillé que la roue avant droite a mordu dans le gravier… Je n’ai pas senti de suite que tout partait en vrille et quand j’en ai été convaincu, il était trop tard. J’avais beau braquer les roues, il ne se passait rien. Rien d’intéressant que cette longue glissade qui m’amenait droit vers le fossé si large, si  profond, si près. J’ai vu, de chaque côté de la voiture des gerbes de gravier comme de l’écume et j’ai entendu les impacts des pierres sur le bas de caisse. Pas le fossé, pas le fossé je me disais! Putain de merde, j’y vais droit! Dedans, ça volait dans tous les sens je me suis même dit, un moment mais tout vient, tout ce bordel! Pas le fossé! Je sortais à peine du super marché, j’avais fait le plein pour la semaine et j’avais posé le tout sur le siège arrière. En vrac. Tout passait devant au freinage et comme je devais être debout à deux pieds sur la même pédale, celle du milieu, rien n’était resté. Pas le fossé, pas le fossé, j’ai repensé encore une fois et puis plus rien, comme un interrupteur appuyé. Le noir. Plus de son, plus d’image. Une panne de secteur en pleine nuit. Les derniers souvenirs que j’ai sont ceux d’un nuage d’objets flottants dans l’habitacle comme placés en apesanteur. J’ai, ainsi,  vu passer une demi-baguette, un flacon vert de liquide vaisselle, six rouleaux de papier toilette parfumés à l'ylang ylang,  (s'il savait où il finissait celui-là, pas certain qu'il se laisserait cueillir aussi facilement)... double épaisseur, un tube de dentifrice neuf au chlore, des recharges de lame de rasoir dont je me suis dit qu’elles coutaient et non pas qu’elles coupaient la peau des fesses… Une paire de chaussettes noires, quatre petits pots de fromage blanc qui restaient ensemble, apeurés… Et, si je n’ai pas vu passer des épingles à linge et une éponge de cuisine, c’est que j’avais oublié de les acheter. Je n’ai jamais été un fana des listes. C'est à dire que le les dresse et je les oublie ensuite ou je les perds, bref je n'en ai plus quand il s'agit d'acheter.
On dit  que quand on va mourir on revoir sa vie défiler. C’est sans doute vrai, mais ce qu’on ne dit jamais c’est qu’on n'y revoit QUE les pires moments!
Tout ce qu’on a vécu de plus épouvantable, dérangeant, affligeant, attristant, les instants les plus oubliables se mettent à s’animer là devant vos yeux pendant que la bagnole dans laquelle vous êtes n’en fait qu’à sa tête… C’est ce qui m’est arrivé. J’ai presque tout revu même des choses dont je ne me souvenais plus. Des évènements que j’avais enfoui très profond et qui ont resurgi durant cette longue glissade. Je m’en serais bien passé, figurez vous. Si ça a l’avantage de faire durer les choses un peu plus, ça a le désagrément de laisser dans la bouche un goût amer et on sait qu’on ne trouvera pas de distributeur de pastilles de menthe en route. Quand ça arrive, on aimerait bien protester, émettre un avis défavorable, réclamer un peu de justice, négocier dans le lot de pouvoir assister aussi à quelques grands moments, mais là, de suite, les circonstances étant ce qu’elles sont on ne voit pas vers qui se tourner.
Alors qu’autour de nous,  le jour se couchait dans des explosions de rouges, c’est quand je me suis réveillé que la roue avant droite a mordu dans le gravier… Sans comprendre, j’ai juste eu le réflexe de donner un violent coup de volant vers la gauche. Comme, pour une fois,  je ne roulais pas trop vite, l’engin s’est vite remis dans le milieu de la chaussée sans faire une grande embardée. C’est peu après qu’un jet d’adrénaline m’ait inondé le cœur et laissé la bouche pâteuse que je me suis mis à transpirer à grosses gouttes. J’ai été obligé de m’arrêter et de me ranger sur le bas côté. Je tremblais de tous mes membres.
En attrapant dans la boite à gant une pastille à la menthe, j’ai allumé la radio...

Christophe s’est, alors, mis à chanter: “ Dans ma veste de soie rose Je déambule morose Le crépuscule est grandiose  Mais peut-être un beau jour voudras-tu Retrouver avec moi…  Les paradis perdus…”

Coucher Ch Gaye

11 commentaires:

nathalie in avignon a dit…

Smoking, no smoking, ces instants où tout bascule. Je préfère l'option n°2 même si Christophe, franchement, je ne sais pas si je le mettrais dans mes raisons de vivre :-)))

Brigetoun a dit…

et tu t'es garé pour piquer un roupillon ?

chri a dit…

@Nathalie Moi non plus, mais Saint Christophe...
@Brigetoun Non, pas de sieste, j'ai posté ma note!

Tilia a dit…

Et la ceinture, hein ? fallait mettre la ceinture !!

Vous l'aviez mise, dites-vous ? mais je ne parle pas de vous ! C'est dans les anses du cabas qu'il fallait la mettre, bordel !

chri a dit…

@Tilia! Ou mettre ses achats au coffre, toujours! On ne sait jamais!

Lautreje a dit…

Comment vous le savez qu'il n'y a pas de distributeur de pastilles de menthe sur la dernière route ?
Et un distributeur de café, y a ?

chri a dit…

@Lautreje: Ah ça oui, il y a mais c'est du jus de chaussette.

Lautreje a dit…

Il vous va bien ce Saint !

chri a dit…

@ Vous trouvez?

Anonyme a dit…

Quand Chris t'offre un sauvetage sain et sauf, le son du tocsin sonne, le saint s'est pas défaussé.

Slev

chri a dit…

Slev Ah deux petits saints...

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