On ne savait pas exactement quand ça avait commencé mais c'était bel, bien et partout le bazar le plus complet. Je m'autorise à aller droit au coeur des choses sans fioriture en me servant de mots crus, directs tant la situation était carabinée: C'était la merde la plus absolue. Une merde noire. Comme une marée. Or, justement, en parlant de ça, la dernière mauvaise nouvelle que le pays ait eu à se mettre dans les poings c'était qu'ils ne savaient ou ne pouvaient, enfin, bref qu'ils ne riaient plus. Du tout. A rien. Dans le pays tout entier. De sa capitale à la plus profonde de ses provinces, plus d'éclats, plus de rire ni de sourire. Rien. Que des faces atones dans le meilleur des cas, froncées pour les plus atteints. Et du sol au plafond. Du sommet de la hiérarchie à la France profonde, du chef de l'état au dernier citoyen de huitième zone, plus un petit rire de rien. Les émissions de fin d'année avec les bêtisiers redondants faisaient bides sur bides, les salles, qui avaient, en quelques années pullulées où les humoristes se vautraient refermaient une à une leurs portes et les hordes de jeunes comiques poussifs mais impayables, soit disant drôles à mourir, hier encore adulés comme des héros nationaux redevenaient les tristes sires qu'ils n'avaient jamais cessé d'être. Des pas marrants. On avait beau se passer en boucle les interview de Nadine Morano, c'était fini, on ne se pliait plus en deux, on restait de marbre, on ne se poilait plus, on ne se tenait plus les côtes, comme si on avait épuisé son capital rigolade... On avait beau tenter de revenir aux fondamentaux, se relire en grimaçant les premières blagues de Toto, rien n'y faisait. On commençait à compter quelques suicides parmi les gens du stand-up, certains se dépêchaient d'annoncer leurs retraites voire leurs reconversions. Sur toute la surface du territoire, plus une seule mimique, plus une seule esquisse d'un début de mimique souriante. Rien ni personne ne riait plus de rien ni de personne...
On convoquait les spécialistes en tous genres, les ceux qui savent, les ceux qui ont un mot à dire sur tout, que ce soit à propos de la disparition du rire ou de fabrication de la gelée de groseille. C'était parfois les mêmes qui venaient dans les radios, les postes, les journaux pérorer, trancher, émettre, juger. Et tout ce savoir déballé ne débouchait sur rien. On ne savait pas pourquoi, pratiquement du jour au lendemain un pays tout entier et l'ensemble de ses habitants avait perdu son bien le plus précieux, celui qui lui avait permis de traverser les époques les plus sombres de son Histoire, celui qui l'avait aidé à survivre aux catastrophes les plus épouvantables: son sens de l'humour.
Perdu, envolé, évanoui. On ne croisait dans la rue que des gens aux visages fermés, aux lippes boudeuses qui se regardaient de travers, en biais, en coin. C'était tellement éprouvant qu'ils finissaient par ne plus sortir de chez eux, pour ne pas ressentir ce malaise, pour ne pas voir ça. Les rues étaient vides, les centres vitaux des villes devenaient des déserts humains, les bars, les restaurants se vidaient, les gens ne se parlaient plus, pire, ils avaient peur les uns des autres, ils se craignaient. Les pauvres aboyaient sur les riches qui les méprisaient allègrement. Les nordistes en voulaient aux bretons qui bavassaient sur les alsaciens. Les députés se moquaient des sénateurs qui humiliaient les conseillers généraux. Les blonds détestaient les bruns, les catholiques haïssaient les bouddhistes, qui n'aimaient guère les musulmans qui, eux se mettaient à vomir les auvergnats... Les fonctionnaires regardaient de travers les chômeurs du privé et la police, elle, mordait tout le monde. Le froid était descendu sur la nation comme une neige sale. Elle s'enfonçait dans une noirceur sinistre, grise, sombre et, pour tout dire, furieusement nord coréenne...
Et puis, un beau soir, tout est revenu, d'un coup. Ce fut, ça tombait bien, le soir de Noël, lors de la traditionnelle allocution des voeux du Président... Ce fut en fait, à la seconde même où celui-ci a appris au pays que oui, il s'était décidé, oui, il avait tranché, oui, il promettait de faire ce qu'il n'avait pas accompli dans les cinq ans passés à cause de la mondiale crise, des affreux banquiers, des méchants voisins, des vilains étrangers, oui, on allait voir ce qu'on allait voir, oui, on pouvait lui faire confiance puisqu'il nous restait quelques dents... OUI, il allait se représenter aux prochaines élections...
Ainsi, ont commenté les habitants, dans des éclats de rire étincelants et réapparus:
Puisqu'il se représente, celui-là, on va, enfin, pouvoir le raccompagner chez lui...
8 commentaires:
C'est magnifique... (comme toujours d'ailleurs, je ne le dis pas assez mais je passe souvent lire vos mots)
Joyeux Noël et douces pensées...
María
@ María:Vous êtes indulgente,María!
Merci à vouis et bonnes fêtes à vous et à ceux qui vous aiment zaussi!
Vous avez bien posé le problème. Cependant, au cas où cela vous aurait échappé, il n'y a pas de télé chez nous. Du coup, le scoop n'a pas atteint nos zygomatiques !
Le tout n'est pas de le raccompagner, le tout est de le remplacer ! Si on ne veut pas s'engager dans la marine, ni faire tourner les moulins de Hollande, qu'est-ce qui reste ? La balle au Centre ? Le ténor des masses populaires ? l'Égérie Verte ? rien de vraiment enthousiasmant. Quoi que... j'aime assez le bel canto ;-)
Ceci dit, la campagne risque d'être une vraie foire d'empoigne et le résultat se traduire par une forte augmentation du nombre de pêcheurs à la ligne...
@ Tilia: Bon commencer par se mettre d'accord sur : Plus lui et toute son escadrille de parvenus qui commencent déjà à se mordre les mollets entre eux? Si oui, c'est déjà un début... Pour la suite il nous reste cinq mois!
Les 3 A sont revenus, hachés cette fois, Ah Ah Ah, ils n'en sont que meilleurs.
Slev
@ Slev Menus, hachés menus! Une double paire à vous
Oui, je suis d'accord : Plus lui !
@Lautreje: Deux, nous sommes déjà deux!
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