J’ai lu quelque part, sur le dos vert d'une enveloppe, que tu me demandais des nouvelles. "Et des nouvelles??" avais-tu écrit... Deux points d'interrogation. De moi? Après tout ce temps? Sur le dos d'une enveloppe? As-tu perdu mon adresse mail?
Hé bien, je ne vais pas si mal même si j'en ai encore un peu à t'écrire ou t'appeler comme tu as pu t'en rendre compte... Mais ce silence n'est pas dirigé contre toi, il est comme une… enveloppe pour moi.
Je ne vais pas si mal même si les soirées de certains jours me semblent un peu chargées d'ennui. J’admets volontiers que c’est le prix à payer et je préfère, de loin, trouver le temps long seul que m’enquiquiner ou souffrir à deux.
Bien sûr, je ne peux pas trouver en l’autre l’énergie pour faire certaines choses, puisqu’il n’y a pas d’autre, mais je m’arrange quand même, bon gré mal gré, pour aller voir les films que j’ai envie de voir, les concerts que j’ai envie d’entendre, les expos que j’ai envie d’arpenter. Je sais aussi me remuer les fesses pour aller prendre les bains que j’ai envie de prendre et les balades qu’il me vient l’idée de faire. Il y a une chose à laquelle j’ai renoncé c’est le restaurant seul. Ça, je n’y mets plus les coudes. Je n’arrive pas à plonger mon regard dans mon assiette vide en attendant les plats, ni à balayer la salle d’un air absent quand je mange. J’ai essayé, j'ai essayé mais à chaque fois ça a été trop difficile alors j’ai abandonné. C’est à peu près le seul renoncement. J’attends pour y aller que quelqu’un passe à la maison. Là, j’en profite.
Je ne vais pas si mal, je travaille, je rentre, je me repose, je lis. J’ai, par exemple, terminé les livres d'Olivier Adam dont j’ai beaucoup aimé la musique toute en douce tristesse. J’écris, je travaille, je rentre, je me repose, je mange, je dors, je vis… Maintenant, je fonctionne et puis, je te fais grâce des tâches domestiques… Un peu de ménage les jours où la mort est trop présente! Un enchaînement d’activités ma foi très commun à plein de monde. D’une banalité extravagante, si tu veux. Ici, je suis au calme. Les gens que je fréquente professionnellement sont, pour la plupart, à peu près aussi liants que moi, donc je ne me fais guère de nouvelles connaissances, mais je n’en veux à personne, je constate c’est tout. On m’avait prévenu, on m’avait dit tu verras, ici, les gens ouvrent grand les bras mais ils ne les referment pas. Je n’avais pas compris cette phrase et je m’étais dit mais s’ils ne les ferment pas c’est très bien, je déteste être enfermé. En vrai, les bras, ils ne les ouvrent pas très grand, ils consentent à te serrer la main c’est tout. Pour le reste, je les comprends un peu: Ils ont leurs vies à vivre, leurs soucis, leurs loisirs, leurs familles, leurs cercles. Et, encore une fois cela ne me dérange pas. Je n’ai ainsi pas de comptes à rendre ni... d’efforts à faire.
Je ne vais pas si mal, je suis au monde, aimé de quelques personnes, capable d’émois et d’émotions, d’admiration devant un cercle clair de pleine lune ou un paysage à couper le souffle. Je suis étonné, souvent de la beauté des choses, il m’arrive d’en pleurer, de me sentir vivant. Une première bouchée de figue juste mûre attrapée sur l’arbre, chauffé du soleil de Septembre et quelques autres machins pas chers… J'ai des amis fidèles, présents, chaleureux... Des qui n'habitent pas loin, des qui vivent à un autre bout mais qui sont là, quelque part, au-dessus, à côté... Je pense à eux comme Claude Roy:
"Le ciel semble immobile Les constellations muettes
L’eau parle doucement
On entend sans le voir le froissement là-haut
D’un vol de migrateurs
Qui donc a chuchoté dans le pli du silence ?
Qui effleurera la vitre ?
La pensée d’un ami à l’autre bout du monde
Qui passe et qui s’efface."
Je ne vais pas si mal. Je n’ai pas encore tout à fait admis l’idée que nous ne vieillirons pas ensemble, mais je suis sur le chemin. Encore quelques années et j’en serai convaincu. Certains balayent très vite les évènements de leurs vies, d'autres mettent un temps infini à cicatriser, je dois faire partie de la deuxième cohorte...
Je ne vais pas si mal. Je ne suis pas fâché contre toi, encore un peu en colère contre nous, contre le fait que nous n’ayons pas réussi, nous deux, à faire preuve de bienveillance l’un envers l’autre, mais je ne t’en veux de rien. Il faut aussi que, d’une certaine manière je réussisse à me réconcilier avec celui que j’ai pu être. Et j’ai besoin de temps pour cela. Besoin de temps... Alors qu'en vrai, il nous en reste si peu... Mais c’est comme ça.
Un jour, nous finirons sans doute par en reparler sereinement toi et moi. Sereinement c'est à dire sans que la peur nous saisisse.
Je ne vais pas si mal… Et comme écrivait encore Claude Roy:
"Je crois qu’une autre vie est possible mais qu'il faut se donner des ordres raisonnables..."
Et toi? Comment vas-tu, toi?
Ah, j'ai un peu grossi, mais j'ai arrêté de fumer, aussi... Depuis, maintenant un an, sept mois, deux jours, dix heures, seize minutes, et 22 secondes et quelques volutes, ne chipotons pas...
Et c'est une affaire entendue, je n'y pense absolument plus... Je ne regarde plus le paquet posé sur mon bureau, avec dedans, encore, la dernière que je n'ai pas allumée, qu'avec un dédain… gourmand...
Et c'est une affaire entendue, je n'y pense absolument plus... Je ne regarde plus le paquet posé sur mon bureau, avec dedans, encore, la dernière que je n'ai pas allumée, qu'avec un dédain… gourmand...
11 commentaires:
j'aurais voulu écrire çà - encore une fois - Chriscot ...
C'est triste, mais " c'est comme çà " et qui dans sa vie, n'a pas ressenti ce que vous écrivez ce matin.
Aujourd'hui je vais mais demain ? vos mots pourraient me coller à ravir
Moi, je sais que vous êtes là, et çà me fait du bien
J'espère qu'elle va vous répondre
@ Véronique: Je suis un gangster! Si j'ai pu l'écrire, c'est que j'ai la certitude qu'elle ne me lit pas!
Sinon, finalement, ça ne va pas si mal... Et, oui, c'est comme ça...
PS @ Véronique, merci de vos mots...
j'ai lu Olivier Adam, j'ai tout aimé ... et puis Saint Malo !!
beaucoup de similitudes avec l'écriture de Claudie Gallay j'ai trouvé. Ces personnages si attachants, qui cherchent et finissent par "se" trouver.
et si vous avez aimé "les déferlantes" , vous aimerez aussi, " dans l'or du temps" " seule Venise " et " Mon amour, ma vie "
Continuez surtout à écrire Chriscot ... sivouplait
j'ai l'impression que çà fait un bail que vous ne nous avez fait rire !
mais j'ai loupé quelques pages cet été....
Une bonne Nouvelle, que ces nouvelles qui disent autant à ceux qui les entendent qu'à ceux qui n'en rendent pas.
S'aider au point de se passer de ciel quand passent les oiseaux.
slev
@ Véronique: Il y a un truc de Juillet "En attendant Fabrice" qui m'a fait sourire à l'écriture, bien méchant comme il faut...
@Slev Au fond, vous n'êtes pas si loin qu'on le croit...
encore un joli morceau de choix mr Criscot...:o)
je recommande a Véronique "en attendant Fabrice" que j'ai beaucoup aimé....:o)
je vous souhaite une bonne soirée....
j'ai cliqué, j'ai lu, j'ai souri, j'ai aimé .... merci Chriscot, merci Clo
@ Clo: Mr Chriscot... Merci Clo!
Entendu ce soir dans " A propos d'Elly" d'Asghar Farhadi : " Mieux vaut une fin amère qu'une amertume sans fin".
Il faut savoir finir un film,une grève, une histoire...N'est-il pas ?
@ Anne Sans doute mais est-ce que c'est une "chose" qui s'apprend?
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