C'est devenu:
Un matin - mais était-ce un matin -, il fallut bien se rendre à l'évidence : le temps avait bel et bien disparu.
Il lisait, lisait et relisait à voix haute et sur l’écran 21 pouces du mac dernier cri, l’ultime phrase qu’il venait de taper et à chaque fois, lui venait la même grimace. Elle ne lui disait rien qui vaille. Ça ne va pas, ca ne va pas ! Alors, il changeait un temps :
Un matin - mais était-ce un matin -, il fallait bien se rendre à l'évidence : le temps avait bel et bien disparu.
Alors, il recommençait sa lecture et n’en était pas davantage satisfait. Et tout ces tirets et puis cette virgule, là ! Que fichait-elle là celle-là ? A quoi servait-elle ? A rien. Et ce « bel » imbécile qui s’insinuait comme une vilaine douleur chronique… A qui était-il utile ce bellâtre ? « Bien se rendre », « bel et bien »... Oh, le vide abyssal de ce « bien » !!!
Il reprit en élaguant :
Un matin, mais était-ce un matin ? Il fallait se rendre à l'évidence : le temps avait disparu.
Ah ! Déjà, cela commençait à boiter un poil moins bas. Il la relut à voix haute pour en entendre le rythme. Je tiens le bon bout, du moins je tiens quelque chose. Il se leva et alla chercher une bouteille d’eau minérale et gazeuse. Que les bulles viennent à son secours. S’il avait osé, il aurait ouvert une de champagne… Quitte à invoquer les bulles… En vrai, il s’aperçut qu’il était chiffonné par cette histoire de matin. C’était le matin, les lecteurs le savaient pertinemment que c’était le matin, ils le savaient puisqu’on n’arrêtait pas d’en parler au chapitre précédent. Pourquoi donc se poser la question ? Pour faire genre, pour se donner une contenance ? Faisons court :
Un matin, il fallait se rendre à l'évidence : le temps avait disparu.
Mieux, de mieux en mieux et cette évidence, si elle est évidente pourquoi la convoquer ? Allons–y ! Sabre au clair, Mon Surcouf !!! A la hussarde ! Trace ta route à la machette !
Un matin, le temps a disparu.
Voilà enfin une phrase qui a du nerf, du muscle, de l’os. En voilà une qui va droit devant, qui coule dru, qui fonce, sans se retourner !
Comme il n’était pas homme à faire les choses à moitié, il a remonté ainsi, un coupe-coupe dans chacune de ses mains, amputant de-ci, de-là, le corps du livre à qui il avait sacrifié ... ses six derniers mois, son couple et sa santé.
C’est dans le fleuve de sang dégoulinant du Mac, que les trois cent soixante pages de son obèse roman sont devenues une maigre note de deux cent vingt trois signes… qu’il a publiée dans son blog, somme toute heureux, d’être allé, enfin, à l’essentiel.
Sans fioriture. Sans surplus. Sans crème. Sans gras…
Et puis, qu'il disparaisse, le temps! S'il s'imagine qu'on va le pleurer, il se trompe... et lourdement, en plus. On fera sans lui, aussi.
Et puis, qu'il disparaisse, le temps! S'il s'imagine qu'on va le pleurer, il se trompe... et lourdement, en plus. On fera sans lui, aussi.
4 commentaires:
Anorexie plumitive. Une nouvelle maladie...
quelle pirouette ! je me régale aujourd'hui...
Comme Véronique. Je dis même plus, de la haute voltige, un peu comme l'équilibriste qui raccourcit le balancier à chaque passage, jusqu'à ce que ses bras lui en tombent. Un matin, le fil.
slev
@Slev: En fait ce que je cherche c'est à chaque fois comme un sale môme tourner la consigne et passer par la fenêtre...
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