11 novembre 2010

Un, de ces quatre matins.

La matinée se présentait sous les meilleurs augures...
Je venais d’être réveillé par un brillant atterrissage,  tout en glissades contrôlées, allongé nu dans une baignoire de bébé  en plastique crème, dans les ruelles  sombres de Pointe à Pitre(!), baignées dans les touffeurs moites des nuits tropicales. J'avais levé les yeux et aperçu de suite le bleu pétant du ciel dans le rectangle de la fenêtre, j’entendais vaguement de la radio, des bribes de mots me parlant d’une future guerre des monnaies, mais, mon président allait pouvoir s’envoler, lui, dans son tout bel avion flambant neuf, pour l’autre bout de la terre et  tenter de régler cette affaire en deux mots trois mouvements... L'imaginer dans la nuit, à dix mille pieds entre Paris et Séoul , seulement vêtu d'un seul tee-shirt NYPD en soie noire, de chez Dolce Gabanar, (cadeau de sa douce), l'imaginer dans le ronronnement rassurant des moteurs de son engin, à lui seul qu'il a. L'imaginer refermant puis reposant sur la tablette de la table de nuit en acajou fauve, La Princesse de Clèves, qu'il n'arrive décidément pas à finir,  tirer  à lui la couette en pilou  shintzé des Andes, un conseil de Minc, il faut l'entendre dire d'une voix ferme: "Eteins-toi, plenel!" à la lampe  de chevet. Oui, comme dans son espace privé, tout était à commande vocale, réglée pour ne reconnaître que DEUX voix, ils avaient donné à chaque interrupteur un nom de journaliste... Imaginer son contentement à cet instant là... Imaginer le redoublement d'aise qui l'envahit, là, en pensant à sa suite, journalistes, ministres, assis à l'arrière, dans le même avion, tassés, en boules sur des sièges éco ridiculement étroits. Ça aussi il l'avait expressément demandé pour qu'ils voient bien la différence avec la taille des siens... Enfin moi, c'est ce que j'éprouverais si j'avais le malheur d'être à sa place. Ah, pendant qu'on y est, pour l'abat-jour de la lampe, je suis content que vous l'aimiez, Président, car bien que ce ne soit pas moi qui l'a choisi directement, j'en ai payé  une partie, alors autant qu'il vous plaise... Pour l'heure, je n’avais pas à me lever de suite, juste me laisser bercer encore un peu par l’ambiance, sans la perspective d'aller au boulot,  tout ça parce que, voilà plus de quatre vingt dix ans on avait demandé à de pauvres bougres  affamés de sonner le clairon pour mettre fin à une des pires sauvageries que les hommes avaient organisé et Dieu sait s’ils s’y connaissaient en horreurs sanglantes. J'ai, en cent mille pensées   chaleureuses, offert des douches chaudes, des wagons de crêmes anti-feu et des rasoirs quatre lames à tous les poilus de la terre...
Ici, maintenant, ce onze là, tout n’était que paix, calme et douceur. Même si  chaque époque a sa croix, je me suis réjoui un bon quart d'heure de n’être pas né en mille huit cent quatre vingt dix et de n'avoir pas perdu ma jeunesse dans les froids, les boues,  le sang, la peur, les gaz, les souffrances, les merdes et la mort….
La veille nous avions, à plusieurs, fêté l'anniversaire d'un bon homme, au premier sens du terme, un gars bien, tout jeune (oui, ce petit salaud ne soufflait  que TRENTE ans !).  Ce fut, en même temps, une jolie soirée et, évidemment, l'occasion  rêvée, si  l'on peut dire, de me demander: qu'avaient-ils craint de si épouvantable, mes trente ans? pour filer si vite?  Et, où avait-elle  foutu le camp ma trentaine à moi, que j'ai eue?  (Sans avoir, bien entendu, d'autre réponse , que celles, peu satisfaisantes, de la glace de la salle de bains, de certaines douleurs dans le bas du dos et... la venue même de ce type de questions...).
Maintenant, le soleil tapait en plein sur l’oreiller et une envie de café plus une autre de pisser m’ont poussé aux fesses, m'ont forcé à me lever. Je me suis habillé avec ce qui trainait, il était fini le temps où je pouvais descendre comme je dormais... Désormais, ça caillait le matin surtout quand la veille j’avais eu la flemme d’allumer le feu dans la cheminée.  Pour m’en assurer, avant de dévaler les marches, j’ai jeté un œil par le fenestron qui donnait vers le Nord et la vue du sommet du Ventoux, poudré  de blanc comme une vieille marquise a achevé de me convaincre. L’hiver avait débarqué dans le secteur. J’ai enfilé une polaire sur le tee-shirt. Après avoir fait ce que j’avais à faire, j’ai ouvert les volets et laissé entrer, laissez entrer, le soleil qui frappait aux volets. (Je me suis dit là, gars, tu ne t’es pas trop foulé avec l’image mais bon, je venais de me lever, aussi, je pouvais espérer, de votre part,  un poil d’indulgence… Non?) Le grand jour ayant noyé la pièce, je me suis rendu compte combien les vitres étaient sales mais c’était un peu normal, avec toute la pluie des derniers jours… Si le temps se met au beau, il faudra que je les nettoie.  (Je ne me dis pas que des choses profondément intelligentes à mon réveil mais au moins, le peu que je prononce semble cohérent et sensé).
J’ai enfilé une veste et je suis allé acheter le journal. J’y vais de suite après le lever, avant que l’envie ne me quitte, avant que la flemme de sortir ne m'attrape. Après avoir échangé, comme tous les matins quelques bêtises d'une finesse douteuse avec le buraliste: La guerre ils auraient mieux fait de l'arrêter en Juin... pour les cérémonies, ils auraient eu moins froid, enfin, vous voyez le niveau, je suis rentré. Je me suis préparé un café. J’ai fait ça comme un automate. Toujours les mêmes gestes au même moment, dans le même ordre, comme un ordi sous windows, comme commandant de bord sous pilote automatique: appuyer sur le bouton pour la chauffe, vider le réceptacle du café utilisé la veille, remettre de l’eau dans la cafetière, remplir de café neuf, vissage du réceptacle,  remise à niveau d'eau, appuyer sur le bouton rouge passé au vert, et ce qui n’était pas le plus facile surveiller que le liquide ne déborde pas de la tasse. Une fois la tasse pleine à volonté, je l’ai posée sur la sous tasse et j'ai remonté  le tout dans le bureau en,  (ah merde!) en perdant un peu en route... Ca me rassurait un peu cet automatisme. Si, par malheur, je devenais aveugle, j'aurais sans doute du mal à me préparer une blanquette mais je pourrais toujours boire un café...
J’ai allumé l’ordinateur. Je me suis croisé les doigts, je les ai fait craquer...

C’est que je tenais un blog, moi, messieurs dames et que je n’y avais pas publié de post depuis plusieurs jours… Alors, dans une suffisance  blette, stupide, coupable et déplacée, je me suis entendu minauder: Mes deux, trois lecteurs doivent commencer à trépigner... d’impatience…

Aussi, j’ai attaqué en commençant par un L:
La matinée se présentait sous les meilleurs augures…
(Et oui, augure est masculin, mon petit bonhomme...).


Thé_cr_cr

9 commentaires:

Brigetoun a dit…

et les lecteurs sont servis (et tentent de neutraliser la musique qui quelle qu'elle soit les empêche de rester assez longtemps pour savourer - alors savourent en ces jours où l'hiver s'installe et le linge ne sèche plus)

chri a dit…

@Brigetoun Pour l'enlever c'est assez simple! Il vous suffit d'appuyer sur les eux barres verticales qui sont juste après le mot deezer et hop, elle se tait...
Savourer... Indulgente!

P a dit…

On s'y croirait....
Pas de flemme... même si je ne commente pas toujours, je lis et souvent, ça me met en route

J'aime bien le coup de faire craquer les doigts... on se sent moins seul quand on rencontre des manies similaires...
Bon 11 novembre.... monument aux morts sous vent et flotte et après aller faire rigoler les "anciens"... en espèrant glaner quelques souvenirs locaux
P.

Anonyme a dit…

augure est masculin, et l'autre jour j'ai lu sous la plume d'un prof que "l'aventure se présentait sous les meilleurs hospices".
mouarf. j'en ris encore. même pas chenu le prof !
marie

Anonyme a dit…

et vous mettez des soucoupes sous les tasses ? faut que je vienne boire un café chez vous pour voir ça...
re-marie.

chri a dit…

@Marie Avec, en plus du sopalin entre la soucoupe et la tasse... Mais ça ne suffit pas à, toujours, tout retenir.

Tilia a dit…

Mieux vaut que la matinée se présente sous les meilleurs augures, plutôt que sous les pires hospices.

Descendre les pentes enneigées du Ventoux, assise (mais pas toute nue) dans une baignoire de bébé en plastique orange, en voilà un chouette rêve !

chri a dit…

@Tilia: Il doit faire frais, quand même! Vous avez raison: il vaut mieux un joli rêve qu'un vilain cauchemar.

Lautreje a dit…

Idem mais avec le thé, j'en renverse presque tous les matins. Quant au journal, j'ouvre ma porte et je le trouve là sur le paillasson. Même pas la possibilité d'échanger des bêtises avec le buraliste, je les réserve pour mon blog !!

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