Bien sur, ils sont différents de nous.
D’abord, ils utilisent toute une piste pour deux tireurs seulement. Puis, ils sont debout sur leurs DEUX jambes et donc, forcément, ils ont tendance à s’en servir… Quand ils tirent, avant d'attaquer pour de vrai, ils se déplacent assez longtemps de gauche à droite et de droite à gauche avec des petits pas, des petits bonds, des sautillements en perdant un temps fou, en ne produisant pas grand-chose. Ils multiplient, ainsi les fausses attaques, les préparations d’attaque, les fausses feintes et les vraies fausses feintes. Bref, ils temporisent énormément, ils hésitent avant de se lancer bien davantage que nous.
On pourrait dire qu'ils ont un peu de mal à entrer dans le cœur du sujet, à s’affronter, qu’ils tergiversent, qu’ils ont peur. Ça, pour les attaques, on ne peut pas dire, ils les préparent. Ça, on ne peut pas leur enlever, le fer, ils le cherchent… Et parfois ils peinent à le trouver… Nous, nous entrons plus vite dans le vif du débat, nous allons plus droit au but!
C’est sans doute pour cela qu’ils ont l’air si content quand ils mettent une touche, les voilà qui bondissent sur place comme des cabris fous, les voilà qui poussent des hurlements de dingues, les voilà qui ont dans les yeux des lueurs assassines. Malgré ces petits travers, vous pouvez toujours aller les voir s'affronter, les valides, quand vous entendez parler d’une compétition d’escrime… Ce qu’ils pratiquent, eux, c’en est quand même, de l'escrime et sensiblement la même que nous. Eux aussi, s’engouffrent dans une parade mal faite, eux aussi tournent des contre de sixte à pleine vitesse, il leur arrive à eux aussi d’avoir la main forte et dure à la pression, eux aussi entrainent leurs lames dans des parades perdues. Chez leurs sabreurs on peut aussi saluer des “tierce/tête” fracassant. Ils ont des « une/deux », des « dessus/dessous ravageurs »… Chez eux aussi, certains sont teigneux, bagarreurs, de mauvaise foi, méchants, râleurs, malins, imaginatifs, inventifs, brillants, calculateurs, piètres techniciens… Chez eux aussi, certains sont doués mais n’aiment ni le travail, ni la leçon. Chez eux aussi, il y a des benêts qui prennent cinq ou six touches d'affilée avant de comprendre ce qui leur arrive… Chez eux aussi, il y a des teignes qui cherchent à tricher, blesser, humilier…
Bien sur, nous, sur les pistes nous prenons moins de place puisque nous avons, un poil obligés, supprimé tous les déplacements disons... inutiles… Bien sûr, nous, nous avons les jambes, enfin le bas couvert, enveloppé d’une cape fluide de métal argenté comme celle des chevaliers, qui sert à déterminer les surfaces non valables…
Les surfaces non-valables… Le nom si bien porté…
Mais malgré ces minuscules différences, je vous assure qu’il y a, aussi, chez les debout valides de sacrés fichus talentueux escrimeurs…
14 commentaires:
bravo d'y avoir assisté - et pour cette belle photo
@Brigetoun. J'ai vu, surtout de la belle escrime!
Bravo pour ce retournement de présentation !
J'aime énormément, en plus du reste, ton analyse des caractères:
"Chez eux aussi, certains sont teigneux, bagarreurs, de mauvaise foi, méchants, râleurs, malins, imaginatifs, inventifs, brillants, calculateurs, piètres techniciens… Chez eux aussi, certains sont doués mais n’aiment ni le travail, ni la leçon. Chez eux aussi, il y a des benêts qui prennent cinq ou six touches d'affilée avant de comprendre ce qui leur arrive… Chez eux aussi, il y a des mauvais qui cherchent à tricher, blesser, humilier…"
Très intéressante analyse du rapport humain au sport... qui se retrouve aussi dans toutes les circonstances de la vie bien sûr.
@Nathalie: Merci...
Assis ou debout quel beau sport!
@Nathalie
PS Pour la bannière? MERCI!!!
La photo est super intéressante,
le texte aussi bien sûr !
Handicap et escrime, voilà qui me rappelle un bouquin formidable "La vitesse de l'obscurité".
C'est l'histoire de Lou Arrendale, un jeune homme qui conçoit des programmes de haut niveau dans une entreprise informatique et qui pratique l’escrime à un certain degré de technicité puisqu'au cours du roman il va être amené à participer à une compétition.
Dans ce livre, le handicap n'est pas physique, mais il est pourtant bien présent, car Lou est autiste.
L'histoire de Lou, écrite par Elizabeth Moon (qui est mère d'un enfant autiste), est à mon avis une des meilleures descriptions de ce handicap.
@Yvelinoise: Merci pour ces références... Lors d'un assaut d'escrime, la communication passe beaucoup par ce qu'on appelle le fer. Les tireurs se "sentent" par lui... Peut-être est-ce de cela qu'il s'agit, aussi?
Je suis venue voir la bannière - excellent !
@Nathalie: Suis pas peu content! Merci encore!
Bravo Chriscot.
Oui très bon le livre "La lumière de l'obscurité" et en plus d'une très bonne description de l'autisme, c'est une vraie réflexion d'éthique sur la différence.
Pardon, je voulais dire "la vitesse de l'obscurité" Suis étourdie parfois !
Oui, de la prise de fer au donner du fer, et décliner tous les savoir faire de la feinte au dérobement, du faire croire au laisser fer, pour qu'à la fin de l'envoi, je touche.
Autant que fer se peut.
Slev
Bravo pour cette finesse !
Bravo pour ces phrases d'âme et non d'armes....
Excellent hommage !...
Bravo Christian !
a bientôt,
@Slev et Amandine... Merci à vous!!!
Enregistrer un commentaire